Peu importe leur taille et leur apparente solidité, l'innovation n’est plus une simple option parmi pour les entreprises mais doit figurer plus que jamais au cœur de leur plan stratégique. Car une société qui n'innove pas met à coup sûr son existence en péril.
Le déclin de l'innovation fermée face à l’open innovation
La stratégie de développement et de recherche qui prévalait jusque dans les années 60-70 ne franchissait pas les murs des entreprises. Celles-ci créaient en interne, dans leurs bureaux et laboratoires, des projets innovants, protégés par le secret industriel et de fabrication. L'ensemble du processus de développement était hautement confidentiel. Les sociétés favorisaient alors une innovation fermée.
Confrontées à un besoin d’innovation si urgent, mais aux prises en même temps avec l'instabilité économique, de fortes pressions financières, de maigres budgets R&D disponibles, une concurrence mondiale exacerbée, la complexité des nouveaux besoins des consommateurs, les nombreux bouleversements (tels que la transformation digitale et l'arrivée des millénials sur le marché du travail), les entreprises sont désormais forcées de repenser les produits qu'elles offrent. Parce qu'elles ne peuvent plus exclusivement compter sur leurs ressources internes pour innover, elles prennent peu à peu conscience qu'elles doivent faire impérativement appel à des acteurs externes afin d'assurer leur succès et leur pérennité. C’est le cas de nombreux projet pour l’industrie du futur
Zoom sur la stratégie d'open innovation, un phénomène qui séduit de plus en plus d'entreprises.
L'open innovation : un processus d'innovation avant tout en mode collaboratif
Comme le décrit cet article de Humanperf, l'open innovation fait partie de ces formes d'innovation gagnantes. L’objectif de l'open innovation – ou en français, innovation ouverte et autrement nommée innovation distribuée, innovation partagée ou encore R&D participative – consiste pour une entreprise à intégrer des tierces-parties internes ou externes – startups, chercheurs, étudiants, fournisseurs, grand public, clients, universités, laboratoires de recherche, entreprises partenaires, collaborateurs, salariés entrepreneurs (intrapreneurs)... – à son programme de Recherche et Développement et d'innovation collaborative. Ce faisant, elle n'est plus fermée sur elle-même, mais devient accessible à d'autres acteurs à l'interne et à l'externe afin de tirer parti de manière optimale de l'intelligence collective de son écosystème.
Les deux modalités essentielles de l'innovation ouverte
En matière d'innovation
ouverte, on peut distinguer deux modalités, soit la modalité outside-in et
inside-out (inbound et outbound). Lorsqu'elle s'intéresse à l'innovation
ouverte outside-in, une société cherche à internaliser des connaissances, savoir-faire,
procédures, technologies à l'externe dans le but de développer ses propres
stratégies d'innovation. Elle s'ouvre à des compétences auprès
de différents acteurs à l'externe, par exemple des clients, partenaires
externes, des start-ups et incubateurs, des laboratoires de recherche, des
universités. Lorsqu'une entreprise pratique plutôt l'innovation ouverte
inside-out, elle externalise et partage ses connaissances, maximise la
valorisation de sa propriété intellectuelle à l'externe, le plus souvent sous
forme de licences.
Dans le cadre de l'open
innovation, ces deux modalités peuvent être associées ou
appliquées de façon indépendante. Dans les deux cas, la collectivité bénéficie
du partage des projets de chacun.
On constate que les entreprises ont tendance à facilement mettre en œuvre des stratégies d'innovation entrantes, telles que récolter des idées et des inventions pour les adapter à leur marché. En revanche, l'innovation sortante semble très peu prisée, comme rendre accessibles leurs ressources et leur R&D. C'est pourtant sur l'innovation sortante que repose l'innovation ouverte. C'est ce type d'innovation qui est considéré comme le plus efficace et le plus profitable pour faire émerger de nouveaux marchés ou construire l’usine du futur par exemple. Sans l'innovation sortante, l'innovation distribuée se limite à une méthode d'exploration basique.
Les différents types d'initiatives et bénéfices dans le cadre de l’open innovation
Les sept types d'initiatives les plus couramment pratiquées dans le cadre de l'open innovation sont décrits dans l'ouvrage de référence des auteurs économistes Martin Duval et Klaus-Peter Speidel (Open Innovation : développez une culture ouverte et collaborative pour mieux innover, Éditions Dunod, 20 août 2014, 224 pages). Ces sept éléments se présentent comme suit :
- La boîte à idées, les réseaux sociaux d'entreprise et les portails;
- Les concours d'idées;
- La résolution de problèmes;
- Le recours à l'open data et aux APIs (interface de programmation);
- Les partenariats avec les startups
- Les communautés de bêta-testeurs;
- Lecorporate venture (fonds d'investissement détenu par de grands comptes servant principalement à l'innovation et à la veille technologique)
Les avantages que procurent l'open innovation pour une entreprise sont nombreux. L'innovation ouverte permet entre autres :
- de maintenir sa compétitivité en cette ère de transformation digitale;
- de favoriser la créativité des collaborateurs et la co-création avec les clients dans le but de faire éclore des produits innovants;
- d'améliorer la communication et la fédération des équipes de travail;
- de susciter l’audace, le goût pour la nouveauté;
- de dévoiler au grand jour des vocations;
- d'encourager les collaborateurs à s'orienter vers l'intrapreneuriat;
- de permettre aux grands comptes de nouer des relations pérennes avec des sociétés innovantes, les start-ups notamment;
- de proposer de la nouveauté en termes d'offres de produits et services complémentaires pour séduire les clients et prospects;
- de gagner en célérité et en efficacité grâce à l'accès à la multitude d'outils disponibles sur le marché, la formation et le partage de l'information;
- de suivre l'évolution de la société et de ses clients en projetant une image positive;
- d'amoindrir les coûts relatifs à recherche et au développement (la start-up a souvent une longueur d'avance dans le domaine des technologies, des études et de la stratégie);
- de relever des défis sous un angle différent;
- de conquérir de nouveaux marchés;
- de diminuer le temps alloué à la commercialisation des nouveaux produits;
- de partager les risques;
- de générer de nouveaux flux de revenus;
- de transformer ses processus internes, les méthodes d'organisation étant différentes entre une entreprise bien établie et une start-up;
- d'intégrer un regard différent sur une organisation en vue de l'améliorer.
- Et pour les start-ups, de profiter de la puissance des grands comptes dans le but d'acquérir une bonne visibilité et d'augmenter par le fait même leurs chances de survie financière.
Les principales étapes d'une démarche d'open innovation réussie
Un programme d'open innovation doit
être planifié avec méthode pour assurer la pleine atteinte des objectifs fixés.
Pour ce faire, voici les cinq principales actions à mettre en application.
Première étape : identification de ses besoins stratégiques et opérationnels
À l'instar de tout autre projet, il est essentiel de partir de
ses besoins. La réussite d'un projet d'open innovation est directement influencée
par les réflexions stratégiques relatives à la vision de l'organisme à moyen
terme.
Deuxième étape : définition des sujets à prioriser en fonction de sa feuille de route
Pour réaliser cette deuxième étape, il est essentiel de connaître les compétences disponibles en interne sur lesquelles l'entreprise peut compter afin de donner priorité aux sujets sur lesquels elle souhaite se positionner.
Troisième étape : veille de partenaires et de technologies
C'est l'étape où il faut se rendre sur le terrain pour attirer
les partenaires dignes d'intérêt et rechercher les outils technologiques
nécessaires.
Quatrième étape : sensibilisation en interne sur les défis que pose l'open innovation
L'innovation ouverte entraîne des changements dans une
organisation. Les modes de communication doivent être ajustés pour appréhender
correctement les futures transformations internes.
Cinquième étape : mise en place d'une stratégie de communication à l'externe
L'open innovation constitue le moment tout indiqué pour bonifier sa marque employeur et projeter l'image d'un acteur innovant sur son marché.
Trois exemples réussis de stratégies d'open innovation
Orange
Le premier opérateur télécom français multiplie depuis longtemps les opérations d'innovation participative ( voir ici). Qu'il s'agisse de son Start-up program, lab'Orange, lab'Explorers, Orange Fab, Orange Digital Ventures (un fonds d'investissement), Imagine with Orange (une plateforme de crowdsourcing qui permet aux clients du monde de proposer des idées susceptibles de devenir réalité).Cette stratégie gagnant-gagnant permet aux entreprises aux niveaux national et international d'accélérer leur croissance et à Orange de conquérir de nouveaux clients.
Société Générale
La Société Générale est reconnue pour la mise en place de ses hackathons. La société organise des concours de courte durée qui rassemblent des designers, des développeurs, des programmeurs issus essentiellement de start-ups et leur permet de créer des applications innovantes en lien avec les usages numériques (tablettes, smartphones, objets connectés). Ce type d'événement est particulièrement efficace pour dénicher des talents et leur donner l'opportunité d'exploiter au maximum leur potentiel et leur offrir également l'opportunité d'intégrer leurs idées (lire cet article à ce propos) dans la stratégie digitale de la Société Générale.
AXA
Le groupe d'assurances AXA a l'intention d'investir prochainement 180 millions d'euros dans sa stratégie digitale. De ce montant, 20 millions sont prévus pour le marketing et les produits, 30 millions dans les systèmes d'information et 10 millions seront investis dans des projets impliquant les start-ups. C'est à l'aide d'un laboratoire installé dans la Silicon Valley et d'un fonds d'investissement, le AXA Seed Factory, que le Groupe a l'intention d'encourager les jeunes entreprises à proposer des idées disruptives ( source Les Echos).
Le concept de Data Marketplace, et comment s'en servir comme levier d'open innovation
La Data Marketplace est un concept qui gagne en popularité dans les entreprises. Il s’agit d'une plateforme où ces dernières peuvent littéralement acheter et vendre des données. Ces « marchés de données » permettent aux entreprises d'accéder à un large éventail de données qui peuvent être utilisées pour améliorer leurs produits et services.
Grâce à leur interface de type plateforme, elles offrent également la possibilité aux entreprises de vendre leurs données inutilisées, ainsi que des outils d'analyse pour aider à comprendre et à utiliser les données achetées. Le tout dans un cadre réglementé, afin de garantir la confidentialité et la sécurité des données.
L'interaction entre le Data Marketplace et l'open innovation
L'échange de données, qu’il s’agisse de Data Marketplace ou de Data Exchange Place, est également au cœur de l'open innovation, comme présenté dans cet article de Blueway.
Dans le cadre d’une démarche d’open innovation où l’on utilise des sources externes pour développer de nouvelles idées (et de nouvelles technologies), ces plateformes peuvent en effet jouer un rôle clé, en fournissant des données potentiellement précieuses qui peuvent être utilisées pour comprendre les tendances du marché, les préférences des consommateurs et les technologies émergentes… et donc stimuler les projets d’innovation.
Seule condition (relativement évidente) pour tirer le meilleur parti d’une Data Marketplace : avoir une bonne compréhension de ses besoins en matière de données.
Quels sont les freins à l'open innovation qu’il faut surmonter ?
Bien que l'open innovation procure une multitude d'atouts, elle présente également son lot de risques pour une entreprise qui s'intéresse à ce concept. Outre la possible difficulté de mettre en place une structure solide pour assurer l'efficacité de ce nouveau concept de R&D participative, mentionnons de plus :
- la dépossession de ses idées ou résultats qui peuvent profiter à d'autres;
- la fuite d’informations;
- l'ouverture de l'information à la concurrence;
- les problèmes de confidentialité.
Mais c'est la question de la propriété intellectuelle qui
constitue le risque le plus important. Un accord entre les partenaires doit par
conséquent être établi le plus en amont possible afin de définir avec précision
le rôle, les responsabilités, les apports de chacun ainsi que les droits
d'exploitation et la propriété des résultats de chacune des parties impliquées.
L'avenir de l'open
innovation s'annonce sans nuages pour la majorité des acteurs
maîtrisant déjà le travail collaboratif. Ce qu'il faut surtout faire à
présent c'est de présenter ce concept à encore davantage d'entreprises afin
d'accroître leur potentiel à innover.